Chloé Charron – Photo fournie

Le concours 2023 des jeunes reporters des journaux des Forces canadiennes est terminé et les quatre finalistes ont été sélectionnés. Les finalistes ont eu l’occasion de travailler avec des journalistes et des rédacteurs professionnels sur leurs soumissions et de les voir publiées dans un certain nombre de journaux des Forces canadiennes. Ils recevront également une bourse de 1000 dollars. Voici l’une des contributions sélectionnées

DE L’AUTRE CÔTÉ DE L’OCÉAN ET DE RETOUR

Toronto, 2012 

La lumière du soleil passait entre les stores et pénétrait dans la salle à manger où j’étais assise avec mes parents. Distraite par les formes dansantes de la lumière sur le sol, je n’ai pas prêté beaucoup d’attention à ma mère devant moi, et encore moins à la nouvelle que je venais d’entendre. L’Allemagne? Je me suis dit que je ne savais rien de l’Allemagne, à part que c’est de l’autre côté de l’océan. Qu’en est-il de mes amis ici? Et de mes grands-parents à Ottawa? Ils semblaient déjà loin, jusqu’où le seraient-ils une fois que je serais en Allemagne? En effet, ma mère et mon père m’avaient annoncé qu’une fois de plus, nous allions déménager, et pas seulement au Canada cette fois, mais en Allemagne.

La nouvelle a fait naître en moi une étincelle d’enthousiasme, mais la peur et la déception de partir si loin l’ont éteinte en quelques secondes. Je suis née à Ottawa, mais depuis, nous avons également vécu à Edmonton, en Alberta. Mes petites jambes pendaient de la chaise en bois sur laquelle j’étais assise, cabossée par notre dernier déménagement. Une pensée s’est imposée d’elle-même : si nous devions déménager en Allemagne, ne devrais-je pas apprendre l’allemand?

Herford, 2013

J’étais loin de me douter qu’on ne parlait pas du tout allemand dans ma future école. Elle se trouvait sur une base militaire britannique et accueillait tous les enfants des officières et officiers en service. Mon père était l’un des seuls officiers canadiens sur place. L’anglais est ma deuxième langue et, bien que je le parle couramment, j’étais toujours mal à l’aise à l’idée de l’apprendre à l’école. Malgré tout, j’ai réussi à m’adapter.

Mon petit cœur avait le mal du pays et pensait à mes deux amis canadiens ainsi qu’aux étés passés avec mes grands-parents. Je souffrais aussi parce que, quoi qu’il arrive, je savais qu’un jour je devrais rentrer chez moi, laisser derrière moi tous les progrès que j’avais accomplis ici et écrire des lettres à de nouvelles personnes. Toutefois, ma nostalgie et le tourment constant des pensées de déménagement ont cessé lorsque j’étais à l’école avec d’autres comme moi qui avaient l’habitude de déménager.

« Pourquoi parles-tu français si tu viens du Canada? » Un camarade de classe avait posé la question. « C’est parce que je suis Franco-ontarienne… » J’avais hésité à donner cette réponse, même si c’est comme ça qu’on m’avait appris à m’identifier dans mon école francophone de Toronto. Mon nouvel ami ne pouvait pas savoir ce que cela signifiait. Finalement, je m’étais contentée de dire que « je suis Canadienne-française ». Étonnamment, j’ai appris ce terme de l’un des professeurs à Herford.

Pendant deux ans, j’ai porté mon uniforme scolaire rouge bordeaux avec l’emblème du cheval de la Lister School Herford. Mes classes de troisième et quatrième année sont restées un groupe soudé et accueillant, jouant toujours ensemble dans l’arrière-cour du mess des officiers lorsque nos parents participaient aux dîners. Pour la première fois en huit ans, tous mes camarades de classe étaient mes amis. Inévitablement, après avoir passé tant de temps avec mes amis britanniques, j’ai moi aussi pris un accent britannique.

Notre séjour en Allemagne a toutefois été de courte durée, car notre base militaire, ouverte depuis 1947, devait fermer au cours de l’été 2015. En apprenant cette nouvelle pour la première fois, les élèves de Lister n’ont pas cessé de parler de retourner en Angleterre, ou encore de partir dans des pays lointains comme Chypre. J’avais l’espoir de retourner à Ottawa, même si cela signifiait que je serais à un océan de mes amis britanniques. Cependant, ma famille et moi avons été affectés de manière inattendue dans le pays d’origine de certains de mes camarades de classe, l’Angleterre.

York, 2015

L’été de mes neuf ans, ma famille et moi avons emménagé dans une maison nouvellement construite. Elle ressortait un peu du décor par rapport aux petites maisons anglaises pittoresques qui nous entouraient. Le rouge bordeaux de l’uniforme de Lister a été remplacé par le bleu marine et le vert de l’uniforme de l’école primaire Yearsley Grove. Même si je pensais tout savoir sur la façon de s’habituer à un nouvel endroit, je me suis trompée. Me faire des amis n’a pas été aussi facile qu’en Allemagne.

Je devais trouver un moyen de m’intégrer, avoir des personnes qui me manqueraient lorsque je partirais, sans quoi cette année serait épouvantable.

C’est au cours d’une nuit amère d’octobre que les choses ont changé pour moi, lors de la soirée camping annuelle de la cinquième année. Les deux classes de cinquième année ont été invitées à camper dans des tipis de taille industrielle installés dans la cour de l’école. J’étais assise dans ma salle de classe avec mon soi-disant groupe d’amis, mangeant notre repas de hot-dogs de manière joviale, nous préparant au froid qui nous attendait à l’extérieur.

« Est-ce que je peux avoir la moutarde, s’il vous plaît? », j’ai demandé à notre table. Les filles qui m’entouraient m’ont répondu par des gloussements accompagnés de petits « beurk ». Un silence gênant s’est installé. Pour une enfant de neuf ans qui essayait de s’intégrer, c’était un peu blessant. J’ai fait comme si de rien n’était. « Je prendrai aussi de la moutarde », une fille appelée Amelia a dit. Il semblerait que je ne suis pas si bizarre que ça. « Comment t’appelles-tu? », la fille m’a demandé.

Amelia était dans l’autre classe de cinquième année et après être devenues inséparables depuis notre rencontre, elle m’a présenté son amie d’enfance, Freya, qui était dans ma classe. Toutes les trois, nous sommes devenues des amies proches, certainement les meilleures amies d’enfance que j’ai jamais eues.

Ottawa, 2016 

Avant que je ne sois prête, mes années à l’étranger se sont achevées. La nostalgie du pays et les nombreuses lettres envoyées au cours de mes années passées loin d’Ottawa étaient chose du passé, mais des personnes me manquaient toujours. Six ans après mon retour, j’ai utilisé l’argent de mon travail à temps partiel pour acheter un billet d’avion pour l’Angleterre. J’ai revu Amelia et Freya, et visité d’autres endroits qui m’avaient manqué avec ma mère. Actuellement, j’envisage des programmes d’échange à l’étranger pour l’université dans l’espoir de découvrir de nouveaux endroits, comme je l’ai fait lorsque j’étais plus jeune et que je déménageais souvent.

 

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