Il y a plusieurs années, j’ai gravi la montagne. Quelle montagne, me demandez-vous? Cette montagne, la montagne que j’ai dû gravir, la montagne que tous les enfants d’Adam doivent gravir, la montagne qui est devant certains d’entre vous et derrière certains autres, cette montagne qui s’élevait inexorablement devant moi, immuable…
« Allez, vas-y! »
Bon, bon. Ne vous impatientez pas, pensez à votre tension. Comme je le disais (avant d’être interrompu), j’ai gravi la montagne : J’ai eu… 50 ans. Incroyable, n’est-ce pas – je fais à peine 49 ans. Mon seul réconfort était le fait que mon épouse me précédait de quelques mois dans cette longue ascension. Au moins, j’aurai de la compagnie sur le chemin vers la sénilité.
Parlant de changement de pneus, je lisais un article de Marni Jackson l’autre jour, au sujet des aménagements pour la démence. Puisque, et je la cite, « la grande sénilisation des baby-boomers approche », des produits devront être conçus pour les aider dans leur vieillesse. Certains de ces produits sont des incontournables, des articles dont aucun baby-boomer digne de ce nom ne voudra se passer, comme des papillons adhésifs pour aînés. « Nous connaissons tous ces papillons adhésifs dont on recouvre les postes de travail pour ne pas oublier tâches et mots de passe. En vieillissant, nous achèterons de plus en plus de papillons adhésifs, mais nous oublierons d’y noter quoi que ce soit. Les papillons adhésifs pour aînés faciliteront cette transition : chaque paquet contient des rappels universels, par exemple “Appeler comptable”, “Planifier colonoscopie” et “Fermer le frigo”. »
La semaine prochaine, j’assisterai à la cérémonie de départ dans la dignité de mon vieux (oups) patron, et cela me rappelle que ma propre retraite est beaucoup plus proche que je ne le voudrais. Et après le départ à la retraite? Eh bien, ce sera la « belle vie » pendant de nombreuses années; si ce n’est que je reviens tout juste des funérailles de la belle-mère de mon épouse, et les funérailles sont un rappel brutal de notre mortalité. (Il est donc bien morbide, lui!)
Quand on est jeune, disons à 20 ans, la cinquantaine est très, très loin. Mais à mesure qu’on gravit la montagne, la cinquantaine s’annonce soudainement comme la prochaine halte sur le chemin – et on espère qu’il y aura une toilette. C’est déconcertant. Il faut dire par contre que vieillir est en quelque sorte une victoire (sur la maladie et les erreurs de jugement) et c’est mieux que l’autre option! Tout de même, personne ne vit éternellement (et voilà qu’il recommence!), alors comment fait-on pour bien vieillir?
Mon expérience (et j’ai plus de 50 ans) m’a appris que les personnes qui vieillissent avec grâce sont celles qui ont accepté leur mortalité, qui ne se bouchent pas les oreilles en chantant « Lalalalala, je n’entends rien ». Pour vieillir avec grâce, il ne faut pas s’accrocher tristement à sa jeunesse, rester « branché », suivre « la mode » (quelle qu’elle soit), et encore moins nier le fait que la mort nous attend tous. (Vraiment?! Il fallait que tu utilises ce mot, hein?).
Comme l’a si bien écrit le poète et pasteur anglican John Donne (si vous me permettez un moment de spiritualité) :
« Ne t’enorgueillis point, ô Mort, bien que parfois
Dite grande et terrible, car telle tu n’es point;
Ceux sur lesquels tu t’imagines triompher
Ne meurent, pauvre Mort; tu ne peux me tuer…
Un somme, et nous nous éveillerons éternels;
Et la Mort ne sera plus; Mort, tu mourras! »
Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, c’est l’heure de ma sieste.