photo d’archives
Il y a quelques années, j’ai fait une découverte importante (tenez-vous bien, c’était à la fois difficile d’y croire, et toute une étape à franchir!). Prêt? En êtes-vous certain?! Eh bien, voici ce qu’il en est : Je ne suis pas le roi de l’univers! Voyez-vous? Je vous l’avais bien dit, c’est toute une découverte! Peut-être ai-je l’impression d’être le roi de l’évidence, et il se peut que cela soit pathétiquement clair pour vous (en particulier pour mes collègues aumôniers), mais j’ai périodiquement besoin d’un rappel.
Qu’est-ce qui a motivé cette prise de conscience d’une évidence aveuglante? Tout a commencé lorsque ma mère nous a informés que, pour la deuxième fois, on lui avait diagnostiqué un cancer, d’un type totalement différent cette fois : l’esthésioneuroblastome (je voulais juste vous impressionner par le caractère magnifiquement effrayant de ce mot). Elle devait subir une intervention chirurgicale très risquée. Le chirurgien a même dit : « Nous devrons peut-être retirer une veine jugulaire [ndlr : il y en a quatre – une autre découverte], mais si je dois en retirer deux, je ne sais pas ce que je ferai ». Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais entendre un chirurgien dire « je ne sais pas » n’est pas tant un aveu d’humilité rafraîchissant qu’une source d’angoisse qui vous retourne l’estomac.
Elle est entrée au bloc opératoire à 8 heures pour une opération qui devait durer de 5 à 6 heures. Il en a fallu 8. Mon père, ma sœur et son mari, le pasteur de mes parents, ma femme et moi nous sommes assis, avons fait les cent pas, nous étions agités, nous avons bu plusieurs litres de café, nous avons parlé, nous avons prié, nous avons bu encore du café et nous avons encore fait les cent pas. Je ne peux parler au nom des autres personnes présentes dans la salle d’attente, mais je me sentais impuissant. Et au fur et à mesure que les heures s’écoulaient, ce sentiment n’a fait que croître. Et tandis que l’horloge sur le mur indiquait que plus de six heures s’étaient écoulées, le visage de mon père devint pâle, puis résolu, s’attendant au pire.
Enfin, le chirurgien est sorti de la salle d’opération. Avant même que je sache qu’il était entré dans la salle d’attente, mon père était à ses côtés. Il avait été plus rapide que moi au Tim Horton’s lorsque la caissière dit « Au suivant! ». « Ah, M. Rittenhouse, vous êtes seul aujourd’hui? » Puis, c’est alors qu’il remarqua les autres visages anxieux qui le cernaient. Il a eu l’air surpris, un peu comme si nous allions l’agresser. « Oh, je vois que ce n’est pas le cas. Votre femme va bien. Elle va s’en sortir. »
La tension qui s’était accumulée minute après minute et heure après heure, qui s’était accumulée comme la neige que nous avions l’habitude de recevoir chez nous, s’est soudainement évaporée. Dieu soit loué! Cette phrase a résonné dans mon esprit et a été chuchotée dans la salle d’attente.
C’est là que j’ai compris que je n’étais pas le roi de l’univers. Si je l’avais été, ma mère n’aurait pas subi une opération de huit heures, nous n’aurions pas eu à endurer cette torture silencieuse et je n’aurais pas eu à me rendre douze fois aux toilettes à cause de la surdose de café du Tim Horton.
Des événements sombres et effrayants comme cette intervention chirurgicale, le déclin de la santé de mes parents et leur décès (bien que quelques années plus tard) me rappellent que je ne suis pas « tout puissant ». Je ne suffis pas à la tâche. Je ne suis pas capable de supporter seul ce genre de choses. « Personne n’est une île à lui tout seul », disait le poète John Donne. J’ai besoin des autres pour m’aider à supporter le fardeau que la vie nous apporte. Et, si vous me permettez quelques considérations religieuses, j’ai besoin de Dieu.
Nous avons tous besoin de quelqu’un sur qui nous appuyer, qui nous donne de la force, qui nous aide à traverser les périodes sombres : conjoints, amis, communautés de foi. Parce que nous ne pouvons pas faire face seuls. Nous ne devrions même pas tenter de le faire. Et nous n’avons pas à le faire.
Mais nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Nous devons franchir ce pas vers cette évidence aveuglante. Alors, dites avec moi : « J’avoue par la présente que je ne suis pas le roi de l’univers. » Quelqu’un occupe déjà ce poste.